1970, premier stage accompagnateur

1970, premier stage accompagnateur

Entretien avec Marie-Jo Cota

Par Marie Lagrave

Depuis 70 ans, Arts et Vie écrit une histoire peu ordinaire : celle d’une petite association d’enseignants passionnés, née en 1955, devenue aujourd’hui numéro un du voyage culturel en France. Fondée dans un esprit de partage et de transmission du savoir, l’association a su évoluer tout en restant fidèle à ses valeurs fondatrices. Pour célébrer cet anniversaire marquant, nous vous proposerons tout au long de l’année une série d’articles retraçant les grandes étapes de cette belle aventure humaine et culturelle.

En 1970, est organisé le premier stage accompagnateur, témoignant de la volonté de former des bénévoles compétents et passionnés pour encadrer les voyages. Pour revenir sur cette époque, nous avons souhaité interroger Marie-Jo Cota, qui a découvert l’activité d’accompagnatrice pour Arts et Vie à l’occasion de ce tout premier stage… il y a 55 ans !

Groupe Arts et Vie dans le désert algérien
Groupe Arts et Vie dans le désert algérien © S. Hubac

Devenir accompagnatrice dans les années 70

Bonjour, Marie-Jo, nous sommes ravis de vous recevoir aujourd’hui ! Comment avez-vous découvert Arts et Vie ? Et comment êtes-vous devenue accompagnatrice ?

Marie-Jo : À l’époque, avec mon mari, on travaillait dans des chantiers de sauvegarde du patrimoine. En 1970, nous aurions dû ouvrir un chantier à Washington, ce qui n’a finalement pas pu se faire, mais on avait vraiment nourri l’envie de découvrir l’Est des États-Unis. Alors, on a trouvé Arts et Vie. Je ne me rappelle plus exactement comment… Peut-être dans un journal de la MAIF ? On s’est inscrits sur un circuit qui faisait New-York, Washington, Philadelphie. Au cours du voyage, nous avons fait connaissance avec l’accompagnateur qui était extraordinaire, très sympathique. On a tout de suite été intéressés par ce qu’il faisait. Comme on parlait anglais et espagnol, il nous encouragé à postuler. Sitôt rentrés, on s’est présentés à Arts et Vie, et on nous a proposé de faire le stage à la rentrée, en septembre ou octobre 1970. C’était le tout premier stage accompagnateur d’Arts et Vie. Ensuite, en février 71, on nous a proposé de partir accompagner un séjour à Tabarka, en Tunisie.

Vous avez donc commencé par accompagner des séjours, ce qui ne se fait plus du tout aujourd’hui chez Arts et Vie, ou en tout cas plus sous cette forme, puisque les résidences ont pris cette place. Comment cela se passait ?

Marie-Jo : Arts et Vie faisait déjà quelques voyages itinérants, comme ce qui se fait principalement aujourd’hui, mais à l’époque, en effet, on faisait surtout des séjours familiaux. En tant qu’accompagnateur, on partait alors pour au moins un mois, dans un hôtel quasiment exclusivement occupé par Arts et Vie. Il fallait faire la gestion des chambres, organiser les excursions avec les guides, et même le soir après dîner, on proposait des animations, des jeux ou des conférences. Jean, mon mari, avait fait des études sur l’Islam, alors il faisait des conférences. C’était vraiment un travail très dur parce qu’on était toute la journée en action. On proposait des excursions à Tunis, Dougga, Nefta… Bien sûr, Arts et Vie avait préparé le programme en amont, mais il y avait encore plein de choses à affiner sur place. Après Tabarka, on a été en Grèce, en Corse, et puis de nouveau en Tunisie, à Hammamet, à Nabeul. Et en hiver, on faisait les résidences de sports d’hiver à Morzine, au Mont d’Or…

Sur le site romain de Dougga, en Tunisie
Sur le site romain de Dougga ©P. Causel
L'entrée de la médina à Tunis
L'entrée de la médina à Tunis ©C. Louveaux

Quand avez-vous commencé à accompagner des voyages itinérants ?

Marie-Jo : Je crois que les activités d’Arts et Vie se sont davantage diversifiées à partir des années 1970. Et on est allés vers ces voyages-là progressivement, parce que les séjours c’était vraiment difficile. J’ai dû faire mon premier accompagnement d’un circuit en 1973, au Mexique. Je suis allée assez vite en Amérique latine, en Algérie aussi. Et là j’ai découvert vraiment le rôle d’accompagnateur.

Mais là aussi, c’était très différent du rôle d’accompagnateur d’aujourd’hui ? C’étaient les débuts du tourisme, les débuts d’Arts et Vie…

Marie-Jo : C’est évident. On avait déjà des rapports d’accompagnateurs, mais ils n’étaient pas aussi détaillés : pas de durée de visite, de temps de trajet précis… Il fallait tout ajuster sur place. On partait avec beaucoup d’argent liquide, pour payer certaines prestations sur le terrain. Quel soulagement quand on a commencé à tout régler de banque à banque !

C’était les débuts du tourisme. Dans les hôtels, rien n’était prêt. Je me souviens de mon arrivée à Ghardaïa, en Algérie, en 1975 : il n’y avait pas une chambre de libre pour le groupe ! Alors on a été éparpillés dans plusieurs familles. Ça maintenant, ça n’existe plus. Et ça n’avait rien à voir avec Arts et Vie, c’était le début du tourisme, tout n’était pas aussi organisé qu’aujourd’hui. Maintenant, en général quand on arrive dans un hôtel, on a tout de suite la répartition des chambres, les clefs… De plus, très peu de guides parlaient français, alors les accompagnateurs devaient faire l’interprète. L’espagnol est ma langue maternelle, donc en Amérique latine je traduisais, mais en Asie, les gens ne parlaient parfois même pas anglais ! Et les guides n’étaient pas toujours formés, certains découvraient les sites en même temps que nous.

Le tourisme a complétement changé, les exigences des voyageurs aussi. Aujourd’hui les gens s’attendent à ce que tout soit parfaitement huilé. Du coup, la responsabilité de l’accompagnateur a pris un autre poids.

Et puis aussi, aujourd’hui, avec la télé, les médias, les gens en savent beaucoup plus sur la destination… Quand on découvre pour la première fois le Macchu Picchu, par exemple, pardonnez-moi l’expression, mais c’est un “coup de poing dans la gueule”. C’est toujours le cas, même si les gens l’ont vu mille fois en photo ou à la télévision. Mais pour d’autres sites, il n’y a plus ce choc, cette émotion. C’est devenu un peu le rôle de l’accompagnateur : attiser l’intérêt des adhérents pour susciter l’enchantement.

Le Machu Picchu © L. Luengo
Le Machu Picchu ©L. Luengo

Former des accompagnateurs compétents

Vous avez participé au tout premier stage de formation, puis vous avez encadré ce stage de premier degré pendant plusieurs années. Qu’est-ce qu’on y apprend ?

Marie-Jo : Le premier stage est surtout très concret : à l’issue du stage, l’accompagnateur a tous les outils pour l’exercice de sa mission. Le stage permet notamment de se familiariser avec le dossier de l’accompagnateur, c’est-à-dire toutes les pièces qui sont mises à sa disposition pour le voyage : la liste des participants, la répartition des chambres, les différentes prestations… Aujourd’hui, mis à part les nouveautés, tout est rodé, mais à l’époque il fallait encore beaucoup affiner quand on était sur les lieux. Maintenant, avec les rapports d’accompagnateurs, ils ont tout, mais à l’époque, c’était un temps de grande découverte.

Il y a donc ce dossier, et puis il y a les questions d’assurance, les procédures en cas de rapatriements par exemple, et les relations avec tous les prestataires… Quand j’ai commencé, c’était beaucoup moins balisé qu’aujourd’hui. On n’avait pas de contact avec l’assurance, notamment. Notre interlocuteur unique, c’était Arts et Vie.

Assez rapidement, vous avez participé à mettre en place un second stage accompagnateur, et vous faites aujourd’hui encore partie de l’équipe de ce deuxième stage. En quoi consiste-t-il ? Qu’apporte-t-il par rapport au premier ?

Marie-Jo : Oui, c’est quelque chose que nous avons mis en place vers 1985. L’idée est de proposer ce deuxième stage aux accompagnateurs qui ont au moins, deux, voire trois accompagnements, mais pas plus. Contrairement au stage 1 par lequel tous les accompagnateurs passent, on retient surtout ceux qui ont encore besoin d’un temps de formation. On a bâti ce stage avec divers ateliers, en s’appuyant vraiment sur la pratique. On les amène à une analyse réflexive sur l’accompagnement, sur leur rôle, leurs méthodes. Comme les accompagnateurs ont un peu de pratique, il y a des réactions, des débats. On rejoue des situations qui leur ont posé problème, on travaille sur la prise de parole, etc. Et en ce moment, on est en train de mettre en place une autre forme de formation : le tutorat, afin que toutes les nouvelles recrues aient un tuteur pour leur première année d’accompagnement.

Partager le plaisir de la découverte

Pour nos adhérents, qu’est-ce qu’apporte le fait d’avoir un accompagnateur sur chaque voyage Arts et Vie ?

Marie-Jo : La plupart des voyageurs viennent chez Arts et Vie parce que les circuits sont très bien conçus, et ils répondent à leurs attentes culturelles. Moi, je dis que les programmes sont ciselés, je le pense, vraiment. Et je crois que je suis légitimée pour le dire. Certains viennent pour l’option remboursement-annulation… Mais ceux qui viennent pour l’accompagnateur disent tous la même chose, la présence de l’accompagnateur est pour eux très importante parce que c’est le représentant d’Arts et Vie. Ils savent que s’il arrive quoique ce soit, il y a avec eux une personne responsable, qui représente l’agence à qui ils ont acheté le voyage. Et ça, ça les rassure terriblement, et ils le disent à l’unanimité. Personnellement, je trouve que l’accompagnateur est aussi très important dans le plaisir de voyager, la stimulation qu’il va apporter aux voyageurs.

Pour finir, quel est votre plus beau souvenir d’accompagnement ?

Marie-Jo : C’est difficile de répondre. C’est un émerveillement permanent. C’est-à-dire que c’est un plaisir tellement… tellement prégnant dans tous mes accompagnements… Mon meilleur souvenir, c’est finalement d’offrir le plaisir de la découverte. Comme j’ai beaucoup accompagné les mêmes voyages, je sais le bonheur qui attend les adhérents et c’est pour moi une jubilation ! On insiste beaucoup maintenant sur la charte du voyageur, sur l’éthique, le tourisme durable… Mais le tourisme a toujours été pour moi aussi un lieu assez rare de rencontres des peuples, un genre d’universalisme que je me suis toujours efforcé de promouvoir.

C’est une belle réponse, et un beau mot de la fin. Merci beaucoup d’avoir répondu à toutes nos questions !

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