Les sculptures de Vigeland à Oslo : l’humanité sous toutes ses formes
Par Marie Lagrave
La Norvège est décidemment un pays bien surprenant. Si l’on y va avant tout pour ses sublimes paysages composés de fjords découpés, de montagnes majestueuses et d’îles pittoresques, sa capitale, vibrante et résolument moderne, fascine quant à elle pour son architecture contemporaine, ses nombreux musées et les œuvres d’arts qui s’y dévoilent presque à chaque coin de rue. Parmi les visites incontournables d’Oslo, le parc Frogner est sans doute l’un des lieux les plus insolites, le plus grand parc de sculptures au monde consacré aux œuvres d’un seul artiste. Plus de 200 sculptures imaginées et réalisées par Gustav Vigeland s’y prélassent : l’œuvre de toute une vie pour le plus connu des sculpteurs norvégiens.

Gustav Vigeland (1869-1943), un sculpteur hors pair
Des débuts modestes…

Gustav Vigeland, de son vrai nom Gustav Thorsen, nait en 1869, à Mandal, une petite bourgade du sud de la Norvège. Sa famille, d’origine modeste, se compose d’agriculteurs et d’artisans. Son père, charpentier, initie très vite son fils à son métier. Puis, à 15 ans, le jeune Gustav part pour Oslo en apprentissage dans un atelier de gravure et sculpture sur bois.
C’est une révélation : il sera sculpteur. Il se met à dessiner, puis débute une formation auprès de Brynjulf Bergslien, qui remarque son talent et l’encourage dans cette voie. En 1889, il expose pour la première fois une œuvre à l’Exposition annuelle d’automne, puis en 1894, il réalise sa première exposition personnelle.
La fin du siècle est également marquée par de très nombreux voyages d’études en Europe pour parfaire son art et découvrir les œuvres des plus grands sculpteurs. Rodin notamment, dont il visite l’atelier parisien, exercera une influence durable sur lui.
En 1897, ruiné par ses voyages, il accepte un poste à Trondheim pour participer à la restauration de la cathédrale Nidaros dont il gardera un penchant pour certains motifs médiévaux, notamment celui du dragon ou de la bête monstrueuse, symbole de la lutte de l’homme contre le péché.
… à la reconnaissance
À son retour à Oslo, Gustav Vigeland accède rapidement à la notoriété : les commandes affluent, les expositions se succèdent, non seulement en Norvège, mais également dans toute l’Europe. Parmi ses créations figurent les plans d’une fontaine monumentale et majestueuse qui doit voir le jour à Oslo, mais la question de l’emplacement retarde sa réalisation.
En 1921, il passe un contrat avec la mairie d’Oslo : Vigeland cède l’ensemble de son œuvre à la capitale norvégienne et en échange, la ville lui offre un logement et un atelier qui deviendront, après la mort du sculpteur, un musée dédié à sa mémoire.
En 1924, la municipalité trouve un emplacement parfait pour la fontaine de Vigeland : ce sera l’œuvre maitresse du parc Frogner, qu’elle veut aménager à l’ouest de la ville, tout près de l’atelier de l’artiste. Vigeland, enthousiasmé par ce projet, décide de réaliser non seulement la fontaine, mais tout un parc de sculptures, avec plusieurs installations monumentales. Il y travaillera jusqu’à sa mort en 1943, aidé de plusieurs artisans qui achèveront son œuvre.
Le parc Frogner, l’œuvre d’une vie
L’aménagement d’une vaste partie du parc Frogner – d’ailleurs régulièrement appelé parc Vigeland – a été entièrement pensé par l’artiste. Il en a dessiné les différents espaces, les allées, les esplanades… créant ainsi une véritable scénographie pour ses œuvres.


Au total, ce sont 214 statues de bronze, de granit ou de fonte que l’on découvre au fur-et-à-mesure en déambulant dans le parc, mais aussi plusieurs installations monumentales. Passé les grilles d’entrée, en fer forgé ouvragé, dessinées par Vigeland, on arrive rapidement au pont, surplombant le plan d’eau d’une allée constituée de 58 statues. Parmi elles, The Angry Boy est devenu un véritable emblème de la ville. De magnifiques parterres de rosiers s’ouvrent ensuite sur une grande esplanade où trône majestueusement la fontaine, point de départ du projet. Cette dernière est cependant désormais quelque peu éclipsée par le monolithe construit en surplomb du parc, une colonne de 17 m de haut, sculptée dans un seul bloc de granit, et constituée de 121 personnages enchevêtrés, le point d’orgue de la visite.
Le parc Frogner est ainsi un véritable musée en plein air, mais c’est aussi et avant tout un parc populaire, un lieu de vie où l’on croise été comme hiver des familles venues prendre l’air, se promener ou pique-niquer, permettant ainsi à tous d’accéder gratuitement à ces œuvres d’art.
Le style “Vigeland”


Mis à part quelques bustes de personnalités célèbres, qui sortent quelque peu de son style habituel, l’œuvre de Vigeland est d’une remarquable homogénéité. Ses sculptures représentent principalement les différents âges de la vie, les relations entre les individus et les émotions positives comme négatives qui peuvent nous traverser. Hommes, femmes, enfants et personnes âgées se retrouvent donc dans ses œuvres ; et la joie, la colère, la tendresse comme la violence font partie de ses sujets de prédilections. Certaines de ses œuvres jouent également la carte du symbolisme, comme ce cercle formé de 7 personnes de différents âges figurant le cycle de la vie.
Son style est empreint de réalisme, avec une attention toute particulière porté à la représentation des émotions. Néanmoins les personnages sculptés sont stylisés, simplifiés, dans une volonté d’universalisme. C’est également ce qui explique le choix de la nudité pour la majorité de ses sculptures : l’absence de vêtements lui permet de pas ancrer ses personnages dans une époque ou une autre. L’œuvre de Vigeland est ainsi une véritable célébration de l’humanité dans son universalisme et sa diversité.



Visiter le parc Frogner avec Arts et Vie lors de l’escapade : Oslo à la Saint-Sylvestre
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