Par Emmanuelle Bons
Article originellement publiée dans le Plus d’Arts et Vie #158 – Hiver 2020
Au carrefour des traditions culinaires italiennes, françaises et suisses, la gastronomie des Alpes est aujourd’hui associée aux plaisirs des sports de neige et aux frimas de l’hiver. Simple et savoureuse, parfois “rustique”, elle s’est popularisée au-delà des montagnes, pour venir réjouir les tables françaises grâce à ses spécialités conviviales. Alors que les températures commencent à baisser, réunissons-nous autour d’une cuisine traditionnelle qui réchauffe les corps et les cœurs et qui évoque la belle région de nos résidences de Samoëns et de Serre-Chevalier.
Une cuisine séculaire
Tout d’abord, sus aux idées reçues ! Fondue, tartiflette et raclette ne sont pas des spécialités des Alpes françaises ! Elles ne furent importées de Suisse qu’au début du XXe siècle et connurent un succès croissant seulement à partir des années 1950. Laissons donc de côtés ces reines des sports d’hiver pour remonter le temps, à l’époque où la rudesse du climat rendait indispensable la préparation de repas nourrissants et calorifiques. Les Alpes étaient en effet, jusqu’à la fin du XIXe siècle, essentiellement peuplées de paysans éleveurs qui produisaient en abondance lait, légumes (avec la pomme de terre en premier lieu) et viande de porc. Leur alimentation était donc essentiellement composée de fromage, de charcuterie et de soupe réalisés à partir de leur propre production, déclinés sous une multitude de recettes.
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Néanmoins, n’oublions pas que maître Chiquart, cuisinier virtuose du XVe siècle au service d’Amédée VIII de la maison de Savoie, offrit ses lettres de noblesse à la gastronomie de sa région. Son ouvrage, Du fait de cuysine, qu’il dicta à un clerc d’Annecy, rapporte les menus concoctés pour les fastueux banquets de la cour de Savoie, pensés comme de véritables spectacles. Sans doute une prémonition des nombreux restaurants étoilés disséminés au cœur des Alpes !
Le fromage : la vedette incontestée
Avec ses prés verdoyants, ses vaches élevées en plein air (mais aussi ses petites chèvres) et ses savoir-faire anciens, les Alpes produisent une très grande quantité de lait d’une qualité exceptionnelle. Le système des transhumances y subsiste encore malgré la rudesse de ce mode de vie pour les bergers, loin des conditions d’aisance de notre société actuelle. Les fromages dits d’alpages, fabriqués en été lorsque les bêtes paissent en haut des montagnes, bénéficient d’arômes très subtiles grâce à la richesse du lait de cette saison, redescendu dans la vallée pour être transformé ou bien utilisé sur place, de manière traditionnelle.
Entre la Franche-Comté et la région Rhône-Alpes, on dénombre pas moins de 13 AOC, dont les règles de fabrication répondent à de strictes cahiers des charges : alimentation des bêtes, utilisation exclusive du lait de chaque producteur…
Cette région se révèle unique au monde tant pour l’excellence de ses produits que pour la diversité de ses variétés. Frais (ou blancs), à pâte molle, à croute fleurie, lavée, pressée cuite ou persillée… il y en a pour tous les goûts !
Citons notamment, le beaufort, que Brillat-Savarin qualifiait de “prince des gruyères” qui nécessite à lui seul près de 10 litres de lait entier pour 1 kg de fromage, affiné au moins 5 mois. Son “cousin” l’abondance, issu du val du même nom, présente quant à lui une pâte semi-cuite à petits trous. N’oublions pas également d’évoquer le comté, le morbier, le vacherin… mais aussi chevrotin, rigotte de Condrieu ou tome des Bauges moins célèbres mais tout aussi savoureux !
La charcuterie
Évidemment, pas de meilleure association avec un très bon fromage, qu’une excellente charcuterie produite par des artisans locaux qui perpétuent des savoir-faire ancestraux ! Jambons, saucisses, saucissons, tous ces mets simples issus d’un terroir rural, sont aujourd’hui devenus les stars des marchés de la région. Les diots de Savoie, petites saucisses cuites au vin blanc, sont particulièrement appréciés, qu’ils soient nature, fumé, aux choux… Ils entrent dans la composition de la potée savoyarde mais se consomment aussi fréquemment accompagnés d’oignons, de pommes de terre cuites à l’eau, de lentilles, de crozets ou de polenta (voir paragraphe suivant).
Un petit goût d’Italie
De par sa proximité géographique avec l’Italie, les Alpes reçurent de leurs voisins un très savoureux cadeau : les pâtes ! Dès le XVIe siècle, les cuisinières y confectionnaient en effet de petits carrés plats dans de la pâte de sarrasin (ou de froment) sur lesquels elles dessinaient une petite croix (d’où le nom de “crozets”). Le terme pourrait aussi venir du patois local croé qui signifie “petit”. Citons ici également les ravioles du Dauphiné, élaborées à base de pommes de terre dont on trouve trace dès le XIIe siècle, mais aussi la polenta. Cette semoule de maïs fut importée au XIXe siècle par les travailleurs italiens et prit rapidement une place de choix sur les tables de la région.
Les trésors de la vigne
Malgré un climat peu propice à la culture de la vigne, les Alpes peuvent s’enorgueillir de proposer 25 cépages locaux dont la réputation n’est plus à faire, et ce depuis l’Antiquité ! Les cultures se limitant aux adrets et aux altitudes inférieures à 500 m, la production reste assez limitée mais les vins, essentiellement des blancs secs, figurent parmi les plus dynamiques en France. Et pour finir, les plus savoureux des repas se terminent évidement avec quelques digestifs tels que le génépi ou la Chartreuse, fabriquées à partir de plantes des montagnes… à consommer avec modération !
À savourer lors d’une visite dans nos résidences de Samoëns ou de Serre-Chevalier